Le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) a connu une refonte majeure en 2021, transformant profondément le marché immobilier français. Cette réforme, destinée à fiabiliser le diagnostic et accélérer la transition énergétique, soulève aujourd’hui de nombreuses interrogations et controverses parmi les propriétaires et professionnels du secteur.
Les changements majeurs de la réforme
La réforme du DPE a introduit une méthode de calcul unifiée qui remplace l’ancien système fondé sur les factures énergétiques. Désormais, tous les logements sont évalués selon une méthode 3CL (Calcul des Consommations Conventionnelles des Logements) qui prend en compte les caractéristiques physiques du bâtiment : isolation, système de chauffage, ventilation, exposition et surface.
Le nouveau DPE est devenu opposable juridiquement, ce qui signifie qu’un acquéreur ou locataire peut se retourner contre le propriétaire ou le diagnostiqueur en cas d’erreur manifeste. Les étiquettes énergétiques vont désormais de A (très performant) à G (passoire thermique), avec une prise en compte simultanée de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre. C’est ce double critère qui a bouleversé de nombreux classements.
Les passoires thermiques dans le viseur

La réforme vise particulièrement les logements classés F et G, considérés comme des passoires énergétiques. Ces biens font l’objet d’un calendrier d’interdiction progressif à la location : les logements G+ (consommant plus de 450 kWh/m²/an) sont interdits à la location depuis 2023, suivis de l’ensemble des G en 2025, des F en 2028 et des E en 2034.
Cette contrainte crée une pression considérable sur les propriétaires bailleurs, qui doivent engager des travaux de rénovation énergétique parfois très coûteux. En France, on estime qu’environ 5,2 millions de logements sont classés F ou G, représentant près de 17% du parc immobilier. Pour de nombreux propriétaires aux revenus modestes, ces obligations constituent un véritable casse-tête financier. Pour en savoir plus, suivez ce lien.
Les controverses autour de la fiabilité
Depuis sa mise en place, le nouveau DPE fait l’objet de critiques récurrentes concernant sa fiabilité. De nombreux propriétaires ont constaté des variations importantes entre deux diagnostics réalisés à quelques mois d’intervalle sur le même bien. Ces écarts s’expliquent parfois par des différences d’interprétation entre diagnostiqueurs ou des erreurs de saisie des données.
Le traitement des logements anciens pose particulièrement problème. Les bâtiments construits avant 1975 sont souvent pénalisés par la méthode de calcul, même après rénovation, car certaines spécificités architecturales ne sont pas correctement prises en compte. Les logements de petite surface sont également désavantagés, leur consommation énergétique rapportée au mètre carré étant mécaniquement plus élevée.
L’impact sur les prix de l’immobilier
Le DPE exerce désormais une influence directe sur la valeur des biens. Les études montrent qu’un logement classé F ou G se vend en moyenne 10 à 20% moins cher qu’un bien équivalent mieux classé. Cette décote énergétique s’accentue dans les zones tendues où les acheteurs sont plus sensibles aux performances environnementales.
À l’inverse, les biens classés A ou B bénéficient d’une prime verte pouvant atteindre 10 à 15% de surcote. Cette polarisation du marché crée une segmentation entre logements performants, très recherchés, et passoires thermiques, de plus en plus difficiles à vendre ou à louer. Les propriétaires de biens mal classés se retrouvent face à un dilemme : investir massivement dans la rénovation ou accepter une forte dévalorisation.
Les ajustements et corrections en cours
Face aux critiques, le gouvernement a dû procéder à plusieurs ajustements de la méthode de calcul. En 2023, une première correction a permis de reclasser environ 140 000 logements initialement jugés trop sévèrement. D’autres modifications sont en discussion pour mieux prendre en compte les spécificités régionales, notamment dans les zones de montagne ou les départements d’outre-mer.
Des dispositifs d’accompagnement ont également été renforcés : MaPrimeRénov’, éco-prêt à taux zéro, certificats d’économies d’énergie. Toutefois, ces aides restent souvent insuffisantes pour couvrir le coût complet des travaux, estimé entre 20 000 et 60 000 euros pour sortir un logement du statut de passoire thermique.
Les alternatives en débat
Certains professionnels plaident pour une réforme de la réforme, suggérant un système plus progressif et tenant davantage compte des réalités économiques des propriétaires. Des voix s’élèvent pour demander un assouplissement du calendrier d’interdiction à la location ou l’introduction de dérogations pour les petits propriétaires disposant de revenus limités.
D’autres proposent de remplacer l’obligation de travaux par un système de compensation carbone ou de contribution financière permettant aux propriétaires incapables de rénover de contribuer autrement à la transition énergétique. Le débat reste ouvert sur l’équilibre à trouver entre ambition climatique et réalité sociale du parc immobilier français.
La réforme du DPE, bien qu’animée par des objectifs environnementaux louables, révèle les tensions entre impératifs écologiques et contraintes économiques du secteur immobilier. Entre fiabilité contestée, impact sur les prix et difficultés de mise en œuvre, ce dispositif nécessite encore des ajustements pour concilier efficacité environnementale et acceptabilité sociale. Son évolution dans les prochaines années sera déterminante pour l’avenir du logement en France.
